Automne

            Sur le bitume pentue, perdue dans les montagnes, qu’elle escalade et dévale, la voiture descend, tranquille, d’une douce allure, le moteur ronronnant, paresseux et serein. Le toit rétracté, le vent souffle d’une brise un peu forte, mais caressante, et soulève ses cheveux qui ondulent et flottent avec légèreté. Le soleil couchant lui faisant face, il illumine le paysage d’une lumière sublime enserrant avec douceur l’univers alpestre, apaisant l’espace, suspendant le temps. Un lieu irréel qui se métamorphose. Continuer à lire … « Automne »

Suggestions V1

« Prenez votre verre. »

Mon regard s’échappe, flotte un instant et se pose sur l’homme qui m’a ordonné, fixement. Mon oreille englobe le son, l’ingère, mon cerveau capte, cherche, se perd, reprend, comprend. Cet homme me commande de m’emparer d’un verre. Pas n’importe quel verre. Ce verre, dans l’angle de la table, à moitié plein. Ou à moitié vide. Dans lequel j’ai trempé mes lèvres. Je dois le saisir. Mais, pourquoi ? Est-ce que j’ai soif ? Je me racle la gorge, salive un peu. Parfaitement hydratée, pas le moindre désir de prendre ce verre. Alors, pourquoi ? Parce qu’il me l’a demandé. Il me l’a ordonné. Donc, avec toute la logique qui doit être exécuté, je dois prendre ce verre. Continuer à lire … « Suggestions V1 »

Clos

            La porte tremble, heurte son dos.

            « Il est là, aidez-moi… »

            Ses yeux s’écarquillent, apeurés. Son corps commence à frissonner, puis est secoué, fortement, violemment, incontrôlable car sous le joug de la panique. Assise sur le parquet ciré, elle ramène ses genoux contre son ventre et les enveloppent de ses deux bras. Face à elle, le miroir au fond du couloir, dans la lumière déclinante, le reflet scelle son regard effrayé, perdu sur son visage blanc, sur elle. Derrière, la porte s’agite à nouveau, plus brutalement. Son estomac se tord, ses mains se nouent. La porte s’ébranle encore et plus brutalement, encore. Le bois craque, les gonds geignent, le verrou chouine. Cachée, la chose s’accrochant à la porte devenait toujours plus forte, toujours plus furieuse. Et sa rage l’épouvantait, soulevant son épiderme blême, la terrifiait, glaçant sa peau livide. Continuer à lire … « Clos »

Loi économique

            « Nous ne pouvons plus poursuivre ainsi. »

            L’homme, tapotant compulsivement ses lèvres de son index, marque une pausa, respire et reprend.

            « Nous devons agir. Ces grèves répétées, ces personnes fainéantes, ces demandes incessantes, nous ne pouvons plus accepter cela. Même, au-delà, nous ne pouvons plus autoriser cela. Non seulement, nous perdons constamment face à cette populace, du fait d’obligations de fanatiques, mais nous perdons également sur le plan économique. Et, il s’agit d’une situation insupportable, une situation cauchemardesque et une situation inadmissible. Elle se doit d’être interdite ! » Continuer à lire … « Loi économique »

Femme Fatale – Noyé

Je t’admire. Je contemple l’homme magnifique, l’homme splendide que tu es. Un être superbe de corps et plus encore de cœur. Ton visage aux fins traits courbés,  ton petit nez au-dessus d’une bouche également peu grande, tes cheveux d’un noir ténébreux et constamment ébouriffé et surtout  tes yeux verts, tes yeux verts électriques. Ces iris aux couleurs exceptionnelles qui te racontaient. Attentionné, gentil, drôle malgré un humour parfois bas, serviable quand tu le décidais, toujours protecteur, doux, à l’écoute et bavard, partageant avec moi beaucoup tout en nous offrant la liberté, également impatient et provoquant quelques fois des disputes volontairement. Je t’aimais pour cela et plus. Et c’est aussi pour ces raisons que je m’extasie encore face à toi. Sans doute, cela est inutile puisque tu ne peux qu’observer mes lèvres bouger sans entendre un terme prononcer par celles-ci. Comprends, malgré l’obstacle, que mes compliments sont sincères. Continuer à lire … « Femme Fatale – Noyé »

Le Repas

            Sous les chênes, sous les érables, sous les marronniers aux feuillages or et rouge, dans un lieu obscur d’une forêt d’automne, en une chapelle gothique, débarrassée des décombres qui jonchaient le sol, aux murs de pierres grises, couleur profonde touchant au noir, aux vitraux disparus, à la charpente et au toit inexistants et aux portes pesantes et épaisses sculptées dans du bois de pin sombre closes, une table à la nappe blanche, brillante, se couvre d’un tapis de feuilles mortes et ternes qu’il ne veut plus retirer. Continuer à lire … « Le Repas »

L’Expérience

            « Tu rêves. »

            La femme écarquille les yeux et pose son verre sur la table en bois, abîmé par de trop nombreuses consommations. La salle murmure une douce musique, entre pop rock et électro ; les différents clients discutent joyeusement ou plus tranquillement, une ambiance détendue se dessine, excepté à une table, non loin du bar, un peu à droite du centre de la pièce, où une femme, faisant face à un homme, pince ses lèvres, sévère et mécontente. Antolin lui répond d’un regard incitant au silence.

            « Réfléchis. Pourquoi j’existe ? Pourquoi tu existes ? Pourquoi le monde existe ?

– Parce que je vois, je sens, j’entends, je touche, je goûte.

– Et les sens se trompent ! Illusions, échos, chimie, tromperie.

– Alors, regarde les sciences, les recherches, les faits.

– Ce n’est pas une preuve de l’existence.

– Ce qui ne prouve pas que tu as raison.

– Ne pas avoir raison ne signifie pas que j’ai tort. » Continuer à lire … « L’Expérience »

L’Usine

                L’écho des coups métalliques se propage dans le hall, pénétrant les murs et le sol, les vitres et les portes, les couloirs et les pièces, qui, tous, vibrent de ces pulsations machinales, et s’incrustent dans l’encéphale des ouvriers, marquant le rythme, soulignant la cadence. Continuer à lire … « L’Usine »

Le Bal

            Le talon s’enfonça dans la terre meuble. La femme aux cheveux châtains grommela et, s’appuyant sur le bras que lui tendait amicalement son mari, tira sur sa chaussure. Elle se dégagea et reprit sa marche, agrippée à son époux et grimpant le longe d’une pente douce. Le gazon remuait imperceptiblement, et inclinait le chapeau de l’homme. Ils suivaient les autres invités, d’un pas tranquille, qui, nonchalamment, erraient et vagabondaient sur la pelouse de la demeure tout en grimpant vers les doubles portes du château. Derrière, très loin, fracturant le ciel, une chaîne de montagne traçait la ligne d’horizon. Après quelques minutes de marche, ils passèrent le porche et pénétrèrent dans le somptueux édifice. Au-dessus des portes largement ouvertes, sur un petit balcon crénelé, un homme en costume militaire bleu et rouge, paré d’or et de médailles, une coupe de champagne à la main, contemplait le paysage et observait l’arrivée des derniers couples. Continuer à lire … « Le Bal »